• applique les procédés statistiques à l'étude des collectivités humaines,
• qui déduit des faits recueillis en grand nombre et méthodiquement ordonnés,
• les conditions d'existences des populations
• leur fonctionnement physique, intellectuel et moral.

Un peu d'histoire

• Les caractéristiques dominantes de la toile de fond du deuxième millénaire dans le nord de l'Afrique sont l'instabilité politique, la désorganisation économique et l'insécurité, dont les effets se sont dramatiquement combinés avec ceux des fléaux naturels qui n'ont pas épargné la région.
   
• Pendant que les empires arabo-espagnol, berbères, mamelouk et ottoman s'affrontaient, faisant alterner les guerres de conquête triomphales et les longues phases de décomposition, famines et épidémies se succédaient à un rythme insoutenable.
   
• Les époques fastes, où un pouvoir fort a pu imposer la paix et le progrès à une vaste région, ont été trop rares et trop brèves.
   
• Même la longévité de certains régimes ne doit pas faire illusion :
   
  • L'Algérie et la Tunisie ont été des régences ottomanes pendant près de trois siècles, entre le dernier quart du XVI siècle et les interventions européennes du XIX.
  • Les sultans turcs ne se sont souciés que d'en tirer des revenus faciles et sont généralement restés indifférents aux conditions d'existence de leurs populations.

• Jusqu'au XIX siècle, des observateurs contemporains (chroniqueurs locaux, diplomates étrangers),
  ont parfois proposé des estimations de population pour l'un ou l'autre des pays étudiés.
  Ils n'indiquent pratiquement jamais les méthodes et les justifications de leurs évaluations.
   
• Les historiens d'aujourd'hui sont unanimes pour juger que ces chiffres anciens sont fortement exagérés et ne peuvent pas servir de base d'estimation sérieuse.
   
• Les précurseurs européens de la colonisation, eux aussi, céderont tous à la tentation de grossir leurs chiffres.
   
• La statistique est manifestement le point faible des récits d'explorateurs qui peuvent, par ailleurs, être remarquablement précis en matière de description géographique ou ethnographique.
   
• On ne pourra commencer à parler de mesure de l'effectif de la population qu'une fois solidement implantées les administrations coloniales.
   
• Sur les chiffres consacraient au Maghreb, les historiens d'aujourd'hui signalent :
  
  « qu'il n'existe absolument rien sur quoi fonder quelque calcul que ce soit avant le XIX siècle »
   
• Les civilisations autochtones ignoraient le recensement et l'enregistrement des faits d'état civil.
  Les seuls documents historiques qui pourraient servir à l'évaluation de l'effectif et du mouvement de la population sont de nature fiscale ou notariale, et ils n'ont pas encore été inventoriés ni, a fortiori, critiqués et analysés.
  On sait, de plus, que les péripéties de l'histoire ont souvent compromis leur conservation.
  
  

• Vers l'an mille, après plusieurs siècles de crise et de recul démographiques, les trois pays du Maghreb ont dû, grâce à la prospérité de l'ère ziride, approcher les 6,5 millions d'habitants.
  Mais, au milieu du XI siècle,  l'invasion des Hilaliens, venus du sud égyptien,  c'est-à-dire de l'est, clôt brutalement cette période heureuse.
   
• L'empire berbère des Almoravides,  fondé à la même époque, mais à partir de l'ouest,  à l'autre bout du Maghreb, et celui,  plus glorieux encore, des Almohades qui lui succède,  sont impuissants à endiguer le flot des nomades qui,  partout où ils passent, font reculer l'agriculture.
   
• En 1200, le Maghreb ne doit guère compter plus de 5 millions d'habitants.
  L'arrivée en Tunisie des Béni Solaïm, tribu hilalienne attardée en Libye, accélère la désagrégation administrative du pays.
   
• Dès la première moitié du XIII siècle, l'empire almohade entre en décomposition.
  Tout cela est accéléré par les ravages de  la Peste Noire en 1348-1349, qui, de  Tunis à  Tanger,  emporte tout ce qui restait de l'administration et fait, directement ou indirectement, disparaître une grande partie de l'élite intellectuelle, et aggrave la situation surtout dans les campagnes.
  Des ravages de plantations, de systèmes d'irrigation, éliminèrent ou réduisirent considérablement l'agriculture au profit du nomadisme.
   
• Cette transformation abaissa considérablement le niveau démographique.
  Avec le retour de la peste en 1362-1363, et tous les dix ou douze ans par la suite, la population du Maghreb ne dépasse sans doute guère les 4 millions en 1400.
   
• À la fin du XV siècle, le Maghreb connaissait une crise sévère, marquée par un affaiblissement démographique, une désarticulation de l'économie et une incurable faiblesse politique.
   
• La main mise des Turcs sur  les régences de Tunis et d'Alger ne développe guère que les ports qui arment pour la course,  l'intérieur du pays,  sauf quelques villes et forteresses,  étant laissé à l'anarchie des tribus.
   
• La population du Maghreb :
  • 1500 : 4,7 millions
  • 1600 : elle remonte peut-être à   5,4 millions.
  • 1620 : 5,6 millions après l'accueil des réfugiés morisques d'Espagne
    qui revivifient un peu le commerce des villes.
  
   
• Une lente décomposition économique et politique gagne tout le Maghreb.
  Entre :
  • La violence et les luttes intestines.
  • L'anarchie politique,
  • la peste qui revient souvent et frappe durement jusqu'au début du XIX siècle,
  • les révoltes d'esclaves chrétiens qui affaiblissent occasionnellement les grandes villes,
  • on peut penser que la population du Maghreb a stagné,  ou même légèrement régressé,
    de   5,7 millions en 1700 à   5,6 millions en 1800.
  • En 1830,   lorsque les Français débarquent à Sidi Ferruch,   le Maghreb compte
    environ   7 millions d'habitants.

• Ils témoignent tous de la brutalité et surtout de la fréquence des répétitions du fléau :
  de huit à quinze épisodes par siècle en moyenne, entre le milieu du XIV et le premier tiers du XIX.
   
• On observe que au cours des 160 ans qui suivirent la Peste Noire de 1348-1349,
  elle frappa à vingt-huit reprises.
  La peste resta encore longtemps endémique en Afrique du Nord et ne disparut enfin, au XIX siècle, que pour laisser immédiatement la place au choléra, un peu moins destructeur.
   
• Simultanément, dès le XIII siècle, sécheresses et famines ont ajouté leurs effets à ceux des épidémies, avec une fréquence qui ne laissait guère aux populations le temps de refaire leurs forces et de restaurer leur dynamique démographique.
   
• L'histoire des populations de l'Afrique du Nord depuis l'an mille est essentiellement l'histoire des grandes et fréquentes catastrophes qui n'ont pratiquement pas cessé d'entraver leur développement.

• Nous reprendrons les résultats, souvent corrigés ou ajustés d'auteurs ou d'institutions qui font le plus consensus en l'état actuel des connaissances.
• Estimations de population totale (en milliers) avancées par divers auteurs pour les recensements algériens de 1886 et 1906.
  
  

  ALGÉRIE                   Fargues       Mazouz      Maison     Écart (%)  

                             (1986)        1982       (1973)     entre extrêmes 

  Recensement de 1886        3 752         3 817       3 751        2 % 

  Recensement de 1906        5 158         5 231       4 769        10 %  

• Il est réglementé dès 1882 en Algérie.
  En dehors de quelques travaux sur l'Algérie comme celui de J.-N. Biraben (1969) sur la reconstitution des naissances en Algérie depuis 1891, l'état civil même s'il est incomplet, demeure peu exploité et analysé.
   
• Le recensement algérien de 1886 a dû être particulièrement soigné, car on a été attentif à sa concordance avec l'état civil qui venait d'être instauré (1882).
  
  Des corrections et des ajustements qui, comme le souligne Ph. Fargues (1986)
  « ne sont pas toujours exempts d'a priori, variables avec le goût du jour ».
  Nombre d'entre eux reposent sur des hypothèses concernant la croissance passée et les niveaux
  « naturels » de la natalité et de la mortalité.

•  

  Dates           Total         Algériens 
   
  1851             2,45            2,32  
  1856             2,47            2,31 
  1861             2,93            2,74 
  1866 **          2,87            2,66  
  1872 **          2,41            2,13  
  1876             2,82            2,48  
  1881             3,27            2,86 
  1886             3,75            3,29 
  1891             4,11            3,58 
  1896             4,36            3,78 
  1901             4,72            4,09 
  1906             5,16            4,48 
  1911             5,49            4,74 
  1921             5,71            4,92 
  1926             5,98            5,15 
  1931             6,47            5,59 
  1936             7,15            6,20 
  1948             8,38            7,46 
  1954             9,73            8,75 
  1966            12,10           11,90 
  
  

  
   

• Pour la plus grande partie au sous enregistrement de la population musulmane lors
  du recensement de 1872 qui suivait le soulèvement de 1871.
  
  En effet , si on calcule par différence la population Européenne pour cette période, on trouve
  une population européenne supérieure de 25 % à la réalité des statistiques de l'époque.
   
• Le reste est due :
  • aux diverses calamités qui ont frappé le pays sur ces dix années :
    • 1867 et 1869 : épidémies de Choléra, de typhus, et famine.
    • à d'autres types d'épidémies (variole ou paludisme)
    • Sans oublier certaines insurrections régionales, comme celle de l'Est algérien de 1871.

• Nous allons détaille les à-coups démographiques de 1850 à 1950.
  
  Tout au long du siècle,  l'Afrique du Nord,  alors essentiellement rurale,  connaîtra périodiquement des années (ou des périodes)  « noires »,  liées à des crises :
  • climatiques (sécheresses),
  • agricoles (mauvaises récoltes, disettes, parfois même famines)
  • sanitaires (épidémies diverses).
     
  • Des crises parfois locales qui touchent une province ou deux,   souvent beaucoup plus étendues et concernant alors tout un pays.

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