La Vraie Bataille
d'Alger en 1957
« Massu,
je vais vous confier l'ordre dans ce département.
Vous aurez tous les pouvoirs.
Avec votre division, vous allez
reprendre tout en main. »
-
Voilà ce que me dit le Ministre-résidant Robert Lacoste
en cet après-midi gris du lundi 7 janvier 1957, fête de Sainte Mélanie
Disciple de Saint Augustin, évêque d'Hippone,
près de Bône,
où il vécut de 391 à 430, il était né à Souk-Abnu en 354.
- Je l'invoque aussitôt, en inscrivant sur mon agenda :
« Priez pour le nouveau commandant militaire du département d'Alger. »
- Je remonte directement à mon domicile d'Hydra.
- Il faut que je réfléchisse et que j'assimile ces mots,
- leur sens exact et tout ce qu'ils vont représenter pour moi et pour ma 10° division parachutiste,
- avant d'instruire mon état-major, mes collaborateurs les plus directs,
- tous ceux qui vont partager avec moi cette
nouvelle responsabilité...
- et quelle responsabilité !
Pour en mesurer l'étendue, il est indispensable de décrire la situation à cette date :
- En ces premiers jours de 1957,
une bataille politique concernant l'Algerie se prépare outre-Atlantique.
- C'est pourquoi mon premier souci,
- compte tenu des renseignements obtenus :
- sur la recrudescence d'attentats annoncés avant et pendant ce débat à l'O.N.U.,
- est de faire éclater la fourmilière terroriste en m'attaquant à son principal repaire :
la Casbah (74.000 habitants dont 62.000 musulmans).
Les paras dans la casbah
Dès la nuit du 7 au 8 janvier 1957,
- j'inaugure mes nouvelles fonctions en ordonnant,
dès trois heures du matin, une opération de contrôle
de la partie nord-ouest de la Casbah.
- Une énorme perquisition à laquelle participent les moyens disponibles, avec le concours d'assistantes sociales appelées à aider
les services de sécurité dans les maisons où se trouvent des femmes musulmanes
.
- Nous n'avons que peu de renseignements.
mais nos méthodes comprennent un bouclage absolu et le travail d'équipes spécialisées.
- La police recommence à se sentir concernée :
un début de liaison avec elle s'instaure.
- Projecteurs, torches, échelles
et matériel divers sont mis en œuvre.
- L'opération ne prend fin que le 8 vers midi.
Elle aura permis d'appréhender :
- trois cents suspects parmi lesquels on a retenu :
- cinq tueurs du F.L.N. recherchés par la police.
- On a saisi une trentaine de fusils et des pistolets.
- On a surpris la réunion d'une quarantaine de jeunes gens venus de plusieurs régions d'Algérie.
- Pour contrarier la fuite des fourmis terroristes et les piéger,
- je fais isoler les quartiers arabes (barbelés et patrouilles)
- Je fais appliquer un nouveau plan de circulation.
- La très grande majorité des rues seront à sens unique.
- Des voitures radio seront placées à tous les carrefours.
- Il s'agit aussi de recenser les musulmans travaillant dans les
quartiers européens et sur le port,
de les munir d'un laissez-passer permanent, mais révocable, pour leur permettre de se rendre
à leurs lieux de travail.
- Pendant ce temps, dans la région algéroise, est capturé le chef communiste des groupes d'action
des « Combattants de la libération », l'instituteur Abd el Kader Guerroudj, dit « Lucien ».
(Nous reviendrons dans un autre chapitre sur le rôle des communistes en Algérie, en France, dans les médias )
Echec à la grève.
Mais le premier grand objectif concret que m'avait donné le gouvernement était de
faire échouer la grève insurrectionnelle prévue par le F.L.N. pour le 28 janvier.
- L'ordre de grève avait été lancé en français, en arabe et en berbère par les speakers d'un poste clandestin du F.L.N.
- Des tracts, souvent manuscrits, l'avaient diffusé.
Voici le texte de l'un d'entre eux :
« Cher Frère, au nom de Dieu et de l'Algérie,
tu es invité à participer à la grève générale de huit jours, qui doit commencer le lundi 28 janvier 1957.
Ceci afin d'apporter ton appui à la discussion de l'affaire algérienne
à l'O.N.U. »
- Je m'emploie donc à contrer cette grève aux diverses étapes de son déroulement :
- Préparation,
- déclenchement,
- exécution,
- conséquences.
- En ce qui concerne la préparation :
- le 21 janvier étant un lundi,
je décide dès le vendredi de faire procéder au maximum d'arrestations possibles.
L'idéal était, bien en entendu, d'appréhender tous ceux qui étaient à même de lancer
les ordre de grève, puis de les diffuser.
Cet idéal n'était pas aussi utopique qu'on peut le penser.
Certes, les chefs suprêmes du F.L.N., le comité de coordination et d'exécution (C.C.E.),
étaient hors de portée des autorités Française
(bien à l'abri derrière les frontières Marocaines et Tunisienne ou au Caire).
Mais dans les rangs des subalternes beaucoup ne se cachaient pas.
- Considérant que les forces de l'ordre françaises,
à peu près impuissantes devant les terroristes,
étaient encore plus inopérantes vis-à-vis des « politiques ».
- Le week-end précédant le 28 janvier est donc employé à appréhender tous ceux qui,
d'après les renseignements, encore bien fragmentaires, en notre possession, sont à même
de jouer un rôle, plus ou moins important, dans le déclenchement, puis le déroulement de la grève :
- Munis des listes d'adresses par quartiers, rues, numéros d'immeubles,
qui leur ont été distribuées en fonction de leur implantation dans Alger,
les quatre régiments paras lancent simultanément
et de nuit autant d'équipes
que de portes à faire ouvrir, pour embarquer en camions les 800 à 1 200 individus signalés.
- Il ne suffisait pas d'appréhender : il fallait « mettre à l'ombre ».
Le lieu choisi pour l'internement des suspects fut une cour entourée de petits bâtiments,
dépendant de l'école des transmissions militaires de Ben-Aknoun, dans la banlieue d'Alger.
- Le week-end est bien employé.
Plusieurs centaines de suspects sont rassemblés à Ben-Aknoun lorsque se lève
l'aube du 28 Janvier 1957.
- Il faut souligner que l'opération dite « opération champagne » avait été faite de manière à entraîner le minimum de suites facheuses.
- La préfecture d'Alger et en conséquence, les services de police avaient été :
« mis dans le coup » de la préparation.
Un commissaire de police, M. Ceccaldi Raynaud, fut même placé à la direction du camp d'internement improvisé.
Ce n'était pas une sinécure,
car il se trouvait en butte aux
protestations d'innocence et aux réclamations simultanées d'un grand nombre d'individus arrachés à leurs foyers et mis brusquent en situation de promiscuité qui les encourageait, surtout hors de la vue des paras
, à relever la tête.
- J'avais également associé à mon action la population européenne.
- En effet, les trois attentats qui l'avaient endeuillée, le samedi soir précédent,
avaient avivé un peu plus une exaspération dont je redoutais les effets :
- Vers 17 h 30, trois bombes à retardement avaient explosé presque simultanément dans un rayon
de cent mètres,
à la brasserie « Otomatic », à la « Cafétéria », toutes deux rue Michelet, et
à la brasserie « le Coq Hardi », rue Charles-Péguy.
- Quatre femmes européennes tuées, une fut si déchiquetée qu'on ne put l'identifier immédiament
deux jeunes filles furent gravement blessées, une cinquantaine de personnes, dont vingt femmes atteintes et plusieurs mutilées.
- Je fis alors publier le communiqué suivant :
« En cas d'attentat, il faut à tout prix éviter les attroupements et les embouteillages, afin, d'une part,
de permettre l'évacuation rapide des victimes et, d'autre part, de ne pas présenter aux assassins
une cible de choix. Il est donc essentiel de ne pas se précipiter
vers les lieux des attentats par simple
curiosité et encore moins par vil désir de vengeance. »
- En même temps, je faisais lâcher par hélicoptère au-dessus des terrasses de la Casbah des tracts incitant les musulmans à se rendre à leur travail, dans l'espoir de diminuer le nombre des oisifs et des promeneurs, qui deviennent trop souvent des cibles en cas d'attentat.
- En ce qui concerne le déclenchement :
- Les arrestations n'eurent manifestement aucun effet sur le déclenchement lui-même :
- les ordres étaient partis,
- quelques centaines d'arrestations dans toute l'agglomération algéroise n'y changeaient rien.
- Mais elles influencèrent le zèle des exécutants.
Les Algérois commençaient à se dire :
« on n'avait jamais vu ça. ».
- D'autres mesures avaient été prises :
Elles tendaient à éviter des sabotages spectaculaires à l'aube du 28.
- Le « quadrillage »
mettant en œuvre toute la 10° division était en place.
Les points vitaux pour l'existence d'une grande agglomération urbaine
(sources d'énergie, télécommunications, transports) étaient tenus par les paras.
- Le déclenchement de la grève ne s'accompagna donc d'aucun sabotage ni d'aucune violence.
- C'est surtout au moment de l'exécution que l'on s'aperçut qu'il
y avait « quelque chose de changé ».
- Il ne me suffisait pas de « marquer » l'adversaire.
- Il me fallait au minimum le rendre impuissant, au mieux l'utiliser.
- Dès les premières heures du 28, des mesures sont prises
pour remettre en marche les grands services publics :
- électricité,
- gaz,
- transports.
Pour y parvenir, il est nécessaire de neutraliser les piquets
de grève, ramener au travail les grévistes.
- Neutraliser les piquets de grève ne fut pas difficile :
Aucun ne revendiqua la palme du martyre.
Nulle part les paras n'eurent besoin des sommations prévues par les règlements.
En règle générale, l'expression simpliste : « Allez, dégagez ! » suffit amplement.
- Pour remettre au travail les grévistes :
il n'y avait, le plus souvent, qu'à aller les chercher.
Il était facile de trouver, dans les bureaux de direction des grands services,
les adresses des membres du personnel.
Une liste en était dressée,
puis répartie entre des équipes de paras montées sur camions.
- « Est-ce ici qu'habite Mohamed ben Untel, conducteur de tramway ?
Oui, Monsieur, au bâtiment 3 de l'H.L.M., escalier B,
68 étage. »
- Le camion s'arrêtait au bas de l'escalier B.
Première galopade des paras dans l'escalier.
Le sous-officier frappait à la porte de M. Mohamed.
Le gréviste en savates, trônait au milieu de sa
marmaille, qui n'était pas allée à l'école.
« Allez, Mohamed, prend ta casquette de conducteur et en route. »
- Nouvelle galopade pour descendre l'escalier.
Plus d'un gréviste, à vrai dire, descendit cet escalier sur les fesses,
mais très peu résistèrent véritablement, quitte à « perdre la figure » devant leur femme, leurs gosses et les voisins.
- Au bout de quelques heures, tous les grands services publics
marchaient,
cahin-caha peut-être, mais ils marchaient.
- En même temps commençait un contrôle systématique de l'agglomération, dans
le but de rétablir au maximum une activité normale, et aussi de neutraliser ceux qui s'y opposeraient.
Comme la réquisition des personnels clés des grands services publics, tout se passe « au pas de course ».
- L'ouverture forcée des magasins et des marchés fut l'une
des opérations les plus spectaculaires de la journée, opération
simple dans certains cas.
Retrouvé par les paras :
- le commerçant, gréviste malgré lui,
ne pouvait que lever le rideau de fer de son magasin.
Vis-à-vis du F.L.N., plus tard, il pourrait invoquer l'excuse d'avoir agi sous la contrainte.
- Si le commerçant, trop bien caché, n'était pas retrouvé, ou s'il avait malencontreusement
égaré la clé du rideau de fer :
Les choses ne traînaient pas :
aucun rideau de fer ne résistait à une traction exercée par un camion militaire
(le bon vieux G.M.C.) démarrant en marche arrière.
Le Général Massu avec
Max Lejeune en Mars 1957
Le vainqueur de la bataille d'Alger
présente au secrétaire d' Etat
des forces armées( terre)
l'un des fusils pris par
les parachutistes dans un arsenal
clandestin constitué par
le FLN au coeur de la casbah.
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